Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/144

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rieure et s’ensevelir, tranquille, en Dieu. Le curé d’Oirschot l’exècre et, sans qu’on sache pourquoi, il la diffame par toute la ville. De son côté, le Démon revient à la charge ; dans un vacarme qui ébranle les murs et secoue les toits, il jaillit sous la figure d’un Ethiopien de haute taille, souffle les lumières, essaie d’étrangler les moniales. La plupart sont à moitié mortes de peur et cependant le Ciel leur concède, en compensation de leurs peines, le réconfort d’incessants miracles.

Elles peuvent vérifier par elles-mêmes l’authenticité des incroyables histoires qu’elles lurent, pendant les repas, dans les vies des Saints. Leur mère a le don de la bilocation, se montre en plusieurs endroits, en même temps, trace partout où elle passe un sillon délicieux d’odeurs, guérit les malades d’un signe de croix, sent, fait lever, comme un chien de chasse, le gibier dissimulé des fautes, lit dans les âmes.

Et ses filles l’adorent, pleurent de lui voir mener une vie qui n’est plus qu’un long tourment ; elle est atteinte, à la suite des grands froids, de rhumatismes aigus, car si la règle de sainte Térèse, qui ne permet d’allumer du feu que dans les cuisines, est tolérable en Espagne, elle est vraiment meurtrière dans le climat glacé des Flandres.

En somme, récapitulait Durtal, cette existence n’est pas jusqu’ici bien différente de celle que d’autres cloistrières connurent ; mais voici qu’aux approches de la mort, la singulière beauté de cette âme va s’affirmer, d’une façon si particulière, en des souhaits si spéciaux, qu’elle s’atteste unique dans les ménologes.

Son état de santé s’est aggravé ; aux rhumatismes qui la