Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/164

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Là-haut, dans l’espace, tels que des salamandres, des êtres humains, avec des visages en ignition et des robes en braises vivaient dans un firmament de feu ; mais ces incendies étaient circonscrits, limités par un cadre incombustible de verres plus foncés qui refoulait la joie jeune et claire des flammes, par cette espèce de mélancolie, par cette apparence de côté plus sérieux et plus âgé que dégagent les couleurs sombres. L’hallali des rouges, la sécurité limpide des blancs, l’alleluia répété des jaunes, la gloire virginale des bleus, tout le foyer trépidant des verrières s’éteignait quand il s’approchait de cette bordure teinte avec des rouilles de fer, des roux de sauces, des violets rudes de grès, des verts de bouteille, des bruns d’amadou, des noirs de fuligine, des gris de cendre.

Et, ainsi qu’à Bourges dont la vitrerie est de la même époque, l’influence de l’Orient était visible dans les panneaux de Chartres. Outre que les personnages avaient l’aspect hiératique, la tournure somptueuse et barbare des figures de l’Asie, les cadres, par leur dessin, par l’agencement de leurs tons, évoquaient le souvenir des tapis persans qui avaient certainement fourni des modèles aux peintres, car l’on sait par le « Livre des Métiers » qu’au XIIIe siècle, l’on fabriquait en France, à Paris même, des tapis imités de ceux qui furent amenés du Levant par les Croisés.

Mais, en dehors même des sujets et des cadres, les couleurs de ces tableaux n’étaient, pour ainsi dire, que des foules accessoires, que des servantes destinées à faire valoir une autre couleur, le bleu, un bleu splendide, inouï, de saphir rutilant, extra lucide, un bleu clair et