Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/178

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dissimule, étouffé sous des ramages d’or, comme dans la chape de Saint Augustin, aide, ainsi qu’un tremplin, pour enlever le merveilleux accord.

Les autres couleurs ne semblent plus jouer là que le rôle de nécessaires remplissages, d’indispensables étais. Elles sont, d’ailleurs, pour la plupart, d’une vulgarité, d’une laideur qui déconcertent. Voyez les verts : ils vont de la chicorée cuite à l’olive, pour aboutir à l’horreur absolue dans deux des marches du trône qui barrent la toile de deux traînées d’épinards tombés dans du macadam. Le seul vert qui soit supportable est celui du manteau de sainte Agnès, un vert parmesan très nourri de jaune que ravitaille encore, sur sa doublure aperçue, le voisinage complaisant d’un orange.

Voyez, d’autre part, ce bleu que l’Angelico manie si somptueusement dans les teintes célestes ; s’il le fonce, il devient aussitôt moins ample et presque terne ; exemple : celui qui colore le béguin de sainte Claire.

Mais ce qui est plus surprenant, c’est que ce peintre éloquent du bleu balbutie lorsqu’il touche à cette autre teinte angélique qu’est le rose. Le sien n’est ni léger, ni ingénu ; il est trouble, couleur de sang lavé d’eau, de taffetas d’Angleterre, à moins qu’il ne tourne au lieu de vin ; tel celui qui s’étend sur les manches du Christ.

Et il se révèle plus lourd encore sur les joues des saints. Il est, en quelque sorte, glacé, de même qu’une croûte de pâtisserie ; il a le ton d’un sirop de framboise noyé dans de la pâte à l’œuf.

Et ce sont là, en somme, les seules couleurs dont l’Angelico se sert : un bleu de ciel magnifique et un bleu vil, un blanc quelconque, un rouge éclatant, des roses mornes,