Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tes charmantes. Ils sont d’une incomparable pureté, d’une candeur plus qu’humaine, avec leurs robes bleues, roses, vertes, fleuretées d’or, leurs cheveux blonds ou roux, tout à la fois aériens et lourds, leurs yeux chastes et baissés, leurs chairs blanches telles que des moelles d’arbres. Graves et ravis, ils jouent de l’angélique et du théorbe, de la viole d’amour et du rebec, chantent l’éternelle gloire de la Très Sainte Mère.

En résumé, au point de vue des types, ainsi qu’au point de vue des couleurs, les choix de l’Angelico sont réduits.

Mais alors, malgré la troupe exquise des Anges, ce tableau est monotone et banal, cette œuvre si vantée est surfaite ?

Non, car ce « Couronnement de la Vierge » est un chef-d’œuvre et il est encore supérieur à tout ce que l’enthousiasme en voulut dire ; et, en effet, il dépasse toute peinture, parcourt des régions où jamais les mystiques du pinceau n’ont pénétré.

Là, ce n’est plus un travail manuel même souverain, ce n’est plus un ouvrage spirituel, vraiment religieux, ainsi que Roger Van der Weyden et Quentin Metsys en firent ; c’est autre chose. Avec l’Angelico, un inconnu entre en scène, l’âme d’un mystique arrivé à la vie contemplative et l’effusant, ainsi qu’en un pur miroir, sur une toile.

C’est l’âme d’un extraordinaire moine, d’un saint que nous voyons dans cette glace colorée où elle s’épand sur des créatures peintes. Et cette âme, on peut juger de son degré d’avancement dans les voies de la Perfection, par l’œuvre qui la répercute.