Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/217

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était fini et un roulement de tambours et une sonnerie de clairons éclataient dans le transept. Et tandis que la fanfare de Chartres canonnait avec la balistique de ses sons les murs, il s’était enfui pour respirer loin de la multitude qui n’arrivait pas cependant à remplir le vaisseau, et, après la cérémonie, il avait encore assisté au défilé des corps constitués rendant visite au prélat, dans l’évêché.

Là, il s’était diverti sans honte. La cour qui précédait le palais regorgeait de prêtres ; tous les doyennés des archidiaconés de Chartres, de Châteaudun, de Nogent-le-Rotrou, de Dreux, avaient déposé, derrière la grille d’honneur, leurs troupes de vicaires et de curés qui s’ébrouaient autour du manège vert d’une pelouse.

Non moins comiques que les pensionnaires des petites sœurs des Pauvres, les seigneurs de la ville affluaient et refoulaient les ecclésiastiques dans les allées ; la tératologie vidait ses bocaux ; c’était un grouillement de larves humaines, de têtes en boulets de canons et en œufs, une série de visages vus au travers d’une bouteille, déformés par certains miroirs, échappés des albums fantastiques de Redon ; c’était un musée de monstres en marche. L’hébétude des métiers monotones, vécus de pères en fils, dans une cité morte, figeait toutes les faces et l’allégresse endimanchée de ce jour greffait sur ces laideurs transmises le ridicule.

Tous les habits noirs de Chartres humaient l’air. Les uns dataient du Directoire, absorbaient les cous, grimpaient à l’assaut des nuques, engloutissaient jusqu’aux oreilles, enflaient ; d’autres, au contraire, avaient diminué dans les tiroirs, et leurs manches raccourcies craquaient,