Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/219

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ville exténuée s’était rendormie, n’ayant même pas le courage de déplanter ses mâts ; les Lazares étaient retournés dans leurs sépulcres, les vieillards ressuscités étaient à nouveau retombés morts ; les rues étaient vides ; la réaction avait lieu ; Chartres gisait épuisé pour des mois par cet excès.

Quelle cambuse, quelle turne ! s’exclamait Durtal.

Certains soirs, las des après-midi internés au milieu des livres ou employés à suivre les heures canoniales dans l’Eglise, à écouter des chanoines jouer languissamment, de chaque côté du chœur, à la raquette avec des psaumes dont ils se renvoyaient, en grommelant, des volants de versets, il descendait fumer, après son dîner, des cigarettes sur la petite place. pour Chartres, huit heures du soir, c’était trois heures du matin pour une autre ville ; aussi tout était-il éteint et tout était clos.

Pressé de se coucher, le clergé avait, dès sept heures, bouclé la Vierge. Pas de prières, pas de bénédictions, rien dans cette Cathédrale. Ces instants où lorsqu’on est agenouillé dans l’ombre, on croit que la Mère est plus présente, plus près de vous, plus à vous ; ces minutes d’intimité où on lui raconte moins timidement ses pauvres maux, n’existaient point à Notre-Dame. Ah ! l’on ne s’épuisait pas en de tardives oraisons dans cette Basilique !

Mais s’il ne pouvait pénétrer dans son intérieur, Durtal pouvait au moins rôder dans ses alentours. A peine éclairée par les indigentes lueurs de réverbères isolés dans les coins de la place, la Cathédrale prenait alors une étrange forme. Ses porches s’ouvraient en des cavernes pleines de nuit et le parcours extérieur de sa nef, compris entre les tours et l’abside, avec ses contreforts