Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/220

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et ses arcs-boutants devinés dans l’ombre, se dressait ainsi qu’une falaise rongée par d’invisibles mers. L’on avait l’illusion d’une montagne déchiquetée à sa cime par des tempêtes, creusée dans le bas, par des océans disparus, de profondes grottes ; et si l’on s’approchait, l’on discernait dans l’obscurité de vagues sentiers abrupts courant le long de la falaise, serpentant en galeries au bord des rocs et parfois, dans ces noirs chemins, de blanches statues d’évêques surgissaient, en un rayon de lune, hantant comme des revenants ces ruines, bénissant, avec leurs doigts levés de pierre, les visiteurs.

Cette promenade dans le circuit de cette Cathédrale qui, si légère, si fluette pendant le jour, grossissait avec les ténèbres et devenait farouche, n’était pas faite pour dissiper la mélancolie de Durtal.

Cet aspect de brèches frappées par la foudre et d’antres abandonnés par les flots, le jetait dans de nouvelles rêveries et finissait par le ramener à lui-même, par aboutir, après bien des vagabondages d’idées, à ses propres décombres ; et une fois de plus, il se sondait l’âme et essayait de mettre un peu d’ordre dans ses pensées.

Je m’ennuie à crever, se disait-il, pourquoi ? — et, à vouloir analyser cet état, il arrivait à cette conclusion :

Il n’est pas simple, mais double mon ennui ; ou tout au moins s’il est unique, il se divise en deux parties bien distinctes. J’ai l’ennui de moi-même, indépendant de toute localité, de tout intérieur, de toute lecture et j’ai aussi l’ennui de la province, l’ennui spécial, inhérent à Chartres.

De moi-même, ah oui, par exemple ! Ce que je suis las de me surveiller, de tâcher de surprendre le secret