Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/249

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n’a ni manteau, ni voile ; les seins sont remontés, moulés dans un étroit corsage, très tiré, ajusté tel qu’un linge mouillé sur le buste, ondulant en plis menus, en rides, un corsage pareil au roque Carolingien s’agrafant sur le côté. Elle a les cheveux couchés en deux bandeaux sur le front, couvrant les oreilles, descendant en tresses enrubanées, se terminant en mèche de fouet.

Le visage est volontaire et déluré, un peu hautain. Celle-là regarde au dehors d’elle ; elle est d’une beauté plus humaine et le sait ; Sainte Clotilde ? hasarde l’abbé Bulteau.

Il est certain que cette élue ne fut pas toujours un modèle d’aménité et ce qu’on peut appeler une personne commode. Avant que d’avoir été reprise et châtiée, elle se révèle dans l’histoire, vindicative, sans dédit de pitié, avide de représailles. Elle serait alors la Clotilde d’avant la pénitence, la Reine avant la Sainte.

Est-ce bien elle ? ce nom lui fut attribué parce qu’une statue de la même époque qui lui ressemble et qui appartint jadis à Notre-Dame de Corbeil, fut placée sous ce vocable. Mais il a été reconnu, depuis, que cette statue portraiturait la Reine de Saba. Sommes-nous donc en présence de cette souveraine ? pourquoi, alors, quand elle n’est pas inscrite au livre de Vie, une auréole ?

Il est très probable qu’elle n’est, ni la femme de Clovis, ni l’amie de Salomon, cette étrange princesse qui se décèle à la fois plus charnelle et plus spectrale que ses autres sœurs, car le temps l’a dévisagée, lui mâchurant l’épiderme, lui picotant le menton de grêle, encanaillant la bouche, rongeant le nez, le trouant en as de trèfle, mettant l’image de la mort sur cette vivante face.