Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/255

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Et maintenant qu’il avait contemplé l’ensemble de cette façade, il se rapprochait encore pour la scruter dans ses infimes accessoires, dans ses menus détails, pour examiner de plus près la parure des Souveraines et il vérifiait ceci : aucune draperie n’était pareille ; les unes tombaient sans cassures brusques, ridulées, semblables à un friselis ondulant d’eau, les autres descendaient en lignes parallèles, en fronces serrées, un peu en relief, telles que les côtes des bâtons d’angélique ; et la dure matière se pliait aux exigences des habilleurs, s’assouplissait pour les crêpes historiés, pour les futaines et les fils de pur lin, s’alourdissait pour les brocarts et les orfrois ; tout était spécifié ; les colliers étaient ciselés, grains à grains, les nœuds des ceintures auraient pu se dénouer, tant les cordelettes étaient naturellement enlacées ; les bracelets, les couronnes étaient forés, martelés, sertis de gemmes montées dans leurs chatons, comme par des gens du métier, par des orfèvres.

Et souvent le socle, la statue, le dais avaient été taillés d’une seule pièce, dans un même bloc ! quels étaient donc les gens qui avaient sculpté de telles œuvres ?

On peut croire qu’ils vivaient dans les cloîtres puisque la culture de l’art ne se pratiquait alors que dans les clos de Dieu. Et ils rayonnèrent, à cette époque, dans l’Ile de France, l’Orléanais, le Maine, l’Anjou, le Berry, nous remarquons dans ces provinces des statues de ce genre ; mais il faut bien le dire, toutes sont inférieures à celles de Chartres. A Bourges, par exemple, d’analogues Prophètes et de semblables Reines rêvent dans l’une de ces extraordinaires baies latérales où le souvenir du trèfle arabe s’impose. A Angers, ces statues sont