Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/298

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parangon de la chasteté, parce que, dit-elle, les fleurs mâles sont séparées des fleurs femelles, et qu’il les garde modestement, les unes et les autres, cachées. Une version de plus au compte du palmier !

— Mais, mais, à la fin, vous êtes fou, notre ami, s’écria Mme Bavoil. Tout cela ne tient pas debout ; vos plantes sont des plantes de climats différents et, dans tous les cas, elles ne sauraient fleurir par les mêmes saisons, ensemble ; en conséquence, lorsque vous aurez planté l’une, l’autre mourra. Jamais vous n’arriverez à les cultiver côte à côte.

— Symbole des Cathédrales, si longtemps inachevées et dont les constructions chevauchent toujours sur plusieurs siècles, dit Durtal, en cassant sa baguette. Ecoutez, fantaisie mise à part, il y a quelque chose à créer et qui n’existe pas pour la botanique ecclésiale et les selams pieux.

Un jardin liturgique, un vrai jardin de Bénédictins élevant une série de fleurs à cause de leurs relations avec les Ecritures et les hagiologes. Dès lors, ne serait-il pas charmant d’accompagner la liturgie des offices par celle des plantes, de les faire marcher de front dans le sanctuaire, de parer les autels de bouquets ayant chacun une signification, suivant les jours et suivant les fêtes, d’allier, en un mot, la nature dans ce qu’elle a de plus exquis, dans sa flore, aux cérémonies du culte ?

— Certes, s’exclamèrent en même temps les deux prêtres.

— En attendant que ces belles choses se réalisent, je me contenterai de bêcher mon petit potager, en vue de bons pots au feu dont vous aurez votre part, fit Mme Bavoil.