Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/325

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centre. A côté de lui, Jérémie qui, songeant à la Passion du Christ, écrivit cette lamentable plainte qu’on récite dans la cinquième leçon, au deuxième nocturne du Samedi Saint : « O vous qui passez par le chemin, considérez et voyez s’il est une douleur pareille à la mienne » ; puis Siméon caressant l’enfant Jésus dont il a pressenti, en même temps que la douleur de la Vierge, les souffrances du Golgotha ; Saint Jean-Baptiste ; enfin saint Pierre dont le costume est intéressant à scruter, car il est copié sur celui des Papes du XIIIe siècle.

Avec quel soin, ces accessoires sont ciselés ! louez le rendu de ces sandales, de ces gants, de l’amict paré, de l’aube, du manipule, de la dalmatique, de ce pallium signé de six croix, de ce trirègne, de cette tiare conique, en soie brochée d’or, du rational ; tout y est repoussé, guilloché, comme par un orfèvre.

— Sans doute, mais ce que le Saint Jean s’atteste supérieur à ses congénères sur cette façade ! Quelle maîtrise se révèle dans cette face creuse, émaciée, aussi expressive que les autres sont mornes. Lui, sort du convenu et de la redite. Il se dresse, doux et farouche, avec sa barbe en dents de fourchette tordues, son maigre corps, son vêtement en poils de chameaux ; et on l’entend, il parle, alors qu’il montre l’agneau soutenant une croix hastée, enfermé dans un nimbe qu’il serre contre sa poitrine, de ses deux mains ; cette statue-là est superbe, et elle n’est pas, à coup sûr, du sculpteur qui nous tailla l’Abraham, voire même de son voisin de piédestal, Samuel. Celui-ci a l’air d’offrir, à un David indifférent, l’agneau qu’il manie, la tête en bas ; il est un boucher qui fait l’article, soupèse sa marchandise, invite à