Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/33

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Un quart d’heure se passa sans que rien se définît ; puis les formes vraies s’avérèrent. Au centre des épées qui étaient, en réalité, des lames de verre, des personnages se levèrent dans le grand jour ; partout, au mitan de chaque fenêtre allongée en ogive, des visages poilus flambèrent, immobiles, dans des brasiers et, ainsi que dans le buisson ardent de l’Horeb où Dieu resplendit devant Moïse, partout, dans les taillis de flammes, surgit, en une immuable attitude de douceur impérieuse et de grâce triste, la Vierge, muette et rigide, au chef couronné d’or.

Elle se multipliait, descendait des empyrées, à des étages inférieurs, pour se rapprocher de ses ouailles, finissait par s’installer à un endroit où l’on pouvait presque lui baiser les pieds, au tournant d’une galerie à jamais sombre ; et là, Elle revêtait un nouvel aspect.

Elle se découpait, au milieu d’une croisée, semblable à une grande plante bleue, et ses illusoires feuillages grenat étaient soutenus par des tuteurs de fer noirs.

Sa physionomie un tantinet cuivrée, presque Chinoise, avec son long nez, ses yeux légèrement bridés, sa tête couverte d’un bonnet noir, nimbé d’azur, regardait fixement devant elle ; et le bas du visage, au menton court, à la bouche tirée par deux graves rides, lui donnait une apparence de femme souffrante, un peu morose. Et là encore, sous l’immémorial nom de Notre-Dame de la belle Verrière, Elle assistait un bambin vêtu d’une robe couleur de raisin sec, un bambin à peine visible dans le fouillis des tons foncés qui l’entouraient.

Celle que tous invoquaient était là, enfin. Partout, sous la futaie de cette cathédrale, la Vierge était pré