Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
331
La Cathédrale

xiiie siècle qui nous aura donné un portrait de cette souveraine que l’on se représente, follement parée, se balançant, à dos de chameau dans le désert, marchant en tête d’une caravane, sous l’incendie du firmament, dans le feu des sables. Elle a tenté les écrivains et non les moindres, cette reine Balkis, Makéda ou Candaule, Flaubert, pour en citer un ; mais elle n’a pu s’incorporer dans la « Tentation de Saint Antoine » qu’en une créature puérile et falote, en une marionnette qui sautille, en zézayant ; au fond, il n’y a que le peintre des Salomés, Gustave Moreau, qui pourrait la rendre, cette femme vierge et lubrique, casuiste et coquette ; lui seul pourrait, sous l’armature fleurie des robes, sous le gorgerin flambant des gemmes, aviver la chair épicée de cet être, son chef diadêmé, étrange, son sourire de sphynge innocente, venue de si loin pour poser des énigmes et fermenter dans le lit d’un roi. Celle-là, elle est trop compliquée pour l’âme et pour l’art ingénus du Moyen Age.

Aussi l’œuvre de l’imagier n’est-elle, ni mystérieuse, ni troublante. A peine jolie, cette princesse n’a que l’allure attentive d’une plaideuse. Salomon, lui, me fait l’effet d’un gai compère ; les deux autres statues, situées de l’autre côté de la porte, retiendraient peut-être si elles n’étaient complètement écrasées par la troisième. Une question encore ; à quel titre, l’auteur de ce livre admirable l’ « Ecclésiastique » se rattache-t-il à cette panégyrie ?

— Jésus, fils de Sirach, prédestine le Messie, en tant que Prophète et que Docteur. Quant à l’effigie qui l’avoisine, elle peut tout aussi bien mimer Judith qu’Esther ;