Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/338

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et des Rois, de vigies attendant et criant au-dessus des multitudes les ordres divins, annonçant les catastrophes, finissant souvent dans le martyre, s’échelonnant tout le long des Annales Saintes, disparaissant avec Saint Jean que décolle une Hérodiade.

Et c’était Elie, maudissant le culte de Baal, luttant contre la terrible Jézabel, Elie qui fut le premier fondateur de moines, le seul homme de l’Ancien Testament qui avec Enoch ne mourut point ; c’était Elysée, son disciple, les grands prophètes, Isaïe, Ezéchiel, Jérémie, Daniel, la série des moindres nabis, mandant l’arrivée du Fils, se dressant, comminatoires ou éplorés, menaçant ou consolant les masses.

Toute cette histoire d’Israël, elle grondait dans un torrent d’imprécations, dans des ruisseaux de sang, dans des fleuves de larmes !

Ce lamentable défilé finissait par ahurir Durtal ; les yeux clos, il apercevait soudain un Patriarche qui s’arrêtait devant lui, et il reconnaissait, intimidé, Moïse, un vieillard à barbe de cataracte, à cheveux balayant les dalles, un maître ouvrier dont les puissantes mains avaient pétri ces rudes Hébreux et coagulé leurs hordes confuses ; il était, en somme, le père et le législateur de ce peuple.

Et la scène du Sinaï émergeait en face de la scène du Calvaire, ouvrant et fermant la grande chronique de cette nation que son crime dispersa, enserrant le but même de sa vie, dans l’espace compris entre ces deux monts.

L’effrayant spectacle ! Moïse, seul, sur le pic qui fume, tandis que des éclairs fêlent les nuées et qu’au son d’invisibles