Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/361

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surtout de la critique d’art religieux, je pourrais leur rédiger quelques aperçus sur les Primitifs de l’Allemagne. J’ai mes notes détaillées, prises sur place, dans les musées de ce pays, voyons-les. Il les feuilleta, s’attarda sur un calepin contenant ses impressions de voyage ; le résumé de ses remarques sur l’école de peinture de Cologne l’arrêta.

A chaque page du carnet, sa surprise s’attestait en des termes plus véhéments, de la fausseté des idées acquises, des rengaines débitées depuis tant d’années sur ces peintures.

Tous les écrivains, sans exception, s’extasiaient à qui mieux mieux, sur l’art pur, religieux, de ces Primitifs, en parlaient tels que d’artistes séraphiques, ayant peint des figures surhumaines, des Vierges effilées, blanches, toutes en âme, se découpant, ainsi que des visions célestes, sur des fonds d’or.

Et Durtal, prévenu quand même par l’unanimité de ces lieux communs, s’attendait à rencontrer des anges blonds presque impalpables, des Madones flamandes, en quelque sorte éthérées, débarrassées de leur coque charnelle, de vagues Memling avec des yeux encore clarifiés et des corps qui n’en sont plus… et il se rappelait son ahurissement, en entrant dans les salles du musée de Cologne.

A dire vrai, ses désillusions avaient commencé dès sa descente du train ; transporté en une nuit de Paris dans cette ville, il avait traversé d’insignifiantes rues dont tous les soupiraux exhalaient des odeurs de choucroutes et il était arrivé sur la grand’place, décorée par les enseignes des Farina, devant la fameuse Cathédrale ; et il