Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/372

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Les Primitifs des Flandres ont été les plus grands peintres du monde, se dit Durtal ; et ce Roger Van der Weyden ou ce Roger de la Pasture, ainsi que d’autres le nomment, écrasé entre le renom de Van Eyck et de Memling, comme le furent également, plus tard, Gérard David, Hugues Van der Gœs, Juste de Gand, Thierry Bouts, est, suivant moi, supérieur à tous ces peintres.

Oui, mais après eux, si nous exceptons le dernier des gothiques flamands, ce délicieux Mostaert dont les deux « Episodes de la vie de Saint Benoît » magnifient, à Bruxelles, les salles du musée, quelle décadence ! ce sont les crucifixions théâtrales, les grosses viandes de Rubens que Van Dyck s’efforce d’alléger en les dégraissant. Il faut sauter en Hollande pour retrouver l’accent mystique et alors il s’avère en une âme de protestant hébraïsé, sous un jour, si mystérieux, si fantasque, que l’on se tâte tout d’abord pour savoir si, en jugeant cette peinture religieuse, l’on ne se trompe pas.

Et point n’est besoin de remonter jusqu’à Amsterdam pour se certifier la vérité de son impression. Il suffit d’aller voir les Pèlerins d’Emmaüs, au Louvre.

Et Durtal, parti dans son sujet, se mit à rêver sur l’étrange conception d’esthétique chrétienne de Rembrandt. Evidemment, dans les scènes qu’il traduit des Evangiles, ce peintre exhale surtout une odeur de Vieux Testament ; son Eglise, même s’il voulait la peindre telle qu’elle fut de son temps, serait une synagogue, tant la caque juive sent fort dans son œuvre ; les préfigures, les prophéties, tout le côté solennel et barbare de l’Orient, le hantent. Et cela s’explique si l’on sait qu’il fréquenta des rabbins dont il nous a laissé les portraits, qu’il fut