Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/388

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permanence dans cet endroit. Il pouvait n’y avoir aucune brise, par toute la ville, c’était quand même, à cette place, hiver et été, toujours une rafale qui troussait les robes et cinglait de lanières glacées, les faces.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle les statues du porche Royal voisin, qui sont si constamment flagellées par le vent, ont cette attitude frileuse, ces vêtements clos et étroits, ces bras et ces jambes collés au corps, fit Durtal, en souriant ; et n’en est-il pas de même pour cet étrange personnage vivant en compagnie d’une truie qui file — laquelle est un verrat, d’ailleurs — et d’un âne qui joue de la vielle, sur la paroi rongée par les ouragans de la vieille tour.

Ces deux animaux, dont il paraît être l’indifférent berger, interprètent, en leur langue joyeuse, les vieux proverbes populaires, « Ne sus Minervam » et « Asinus ad lyram » qui se peuvent traduire par ces équivalents : à chacun son métier, ne forçons point notre talent, car nous deviendrions aussi bêtes qu’un porc qui veut raisonner ou qu’un baudet qui prétend jouer de la lyre ; mais lui, cet ange nimbé, les pieds nus, sous un dais, la poitrine couverte par un cadran de pierre, à quoi répond-il, que fait-il ?

Issu de la famille des Reines logées sous le porche Royal, car il leur ressemble avec son corps en fuseau étiré dans une gaine rayée de fibres, il regarde au-dessus de nous et l’on se demande s’il est ou très impur ou très chaste.

Le haut du visage est candide, les cheveux sont taillés en rondelle, la figure est imberbe, la mine monastique ; mais entre le nez et les lèvres, descend une pente spacieuse