Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/396

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loin des regards, cédait, déférente, les places d’apparat aux Madones âgées.

Elle tenait un bambin jouant avec un oiseau, en souvenir, sans doute, de cette scène des Evangiles apocryphes de l’Enfance et de Thomas l’Israélite, qui nous montre l’enfant Jésus s’amusant à modeler des oiseaux avec de la terre et à les animer, en soufflant dessus.

Et Durtal reprenait sa promenade le long des chapelles, s’arrêtant seulement devant celle qui détenait des reliques contradictoires, des reliques à double fin, les châsses de Saint Piat et de Saint Taurin ; l’on exposait les os du premier, pour obtenir de la sécheresse par les temps de pluie, les restes de l’autre pour amener de la pluie dans les temps secs ; mais ce qui était moins anodin et plus crispant que ce défilé de chapelles aux ornements misérables et dont les vocables avaient été changés depuis leur dédicace, si bien que l’appui tutélaire acquis par tant de siècles n’était plus ; c’était le chœur, éreinté, sali, souillé comme à plaisir.

En 1763, l’ancien Chapitre avait jugé bon de déformer les colonnes gothiques et de les faire badigeonner par un chaufournier milanais, d’un rose jaunâtre, truité de gris ; puis il avait relégué, dans le musée de la ville, de magnifiques tapisseries flamandes, cernant les contours internes du chœur, et mis à leur place des bas-reliefs de marbre, rabotés par le redoutable margougniat qui avait écrasé sous le groupe géant de la Vierge, l’autel ; la malchance s’en était mêlée. En 1789, les sans-culottes avaient eu l’idée d’enlever ce bloc de l’Assomption, et un malencontreux imbécile avait sauvé l’œuvre de Bridan, en lui couvrant le chef d’une carmagnole.