Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/406

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et sur les murailles englués de jaune de cassonade, de vert de chicorée, de lie de vin, de gris de lave, de rouge brique, de toute une série de nuances fades et sales ; sans compter l’horreur des voûtes constellées d’étoiles qui paraissent découpées dans du papier d’or et collées sur un fond de bleu perruquier, de bleu à laver le linge !

Cela se supporte — si l’on veut — à la Sainte Chapelle parce qu’elle est minuscule, qu’elle est un oratoire, un reliquaire ; cela se comprendrait encore peut-être pour cette surprenante Eglise de Brou, car celle-là est un boudoir ; ses voûtes et leurs clés sont polychromées et dorées et le sol était pavé de briques émaillées dont il subsiste près de ses tombeaux de visibles traces. Ce grimage du haut et du bas s’accordait avec les filigranes des murs, les vitres héraldiques et les carreaux lucides, avec la profusion des guipures de pierres armoriées, fleuries de bouquets de marguerites mêlés à des briquets, à des devises, à des chiffres, à des cordelières de Saint François, à des entrelacs ; ce maquillage s’assortissait aux albâtres des retables, aux marbres noirs des tombes, aux clochetons à denticules, aux fleurons en chicorée frisée et en feuilles de choux ; très aisément, l’on s’imagine les colonnes et les parois peintes, les nervures et les reliefs gouachés d’or, formant un tout, une harmonie, un ensemble, dans cette bonbonnière qui dépend plus d’ailleurs de la joaillerie que de l’architecture.

Cet édifice de Brou, il était le dernier monument du Moyen Age, la dernière fusée lancée par le style gothique flamboyant, par le gothique déchu mais exaspéré de mourir, luttant contre le retour du paganisme, contre l’invasion de la Renaissance. L’ère des grandes Cathédrales