Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/428

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et réconforté par une dose méditée de cognac ; et elle se sauva, effrayée par les appels impatients d’une bouillotte dont l’eau s’épandait, avec des jurons de matou, sur les plaques rouges du fourneau.

Durtal trouva l’abbé Gévresin, ravagé par ses rhumatismes, mais toujours patient et gai. Ils causèrent un peu ; puis s’apercevant que Durtal regardait de petits morceaux de gomme épars sur son bureau, l’abbé dit :

— C’est de l’encens qui vient du Carmel de Chartres.

— Ah !

— Voici, les carmélites ont l’habitude de ne brûler que du véritable, que du réel encens. Aussi, leur ai-je emprunté cet échantillon, afin de pouvoir faire acheter la même qualité de résine pour notre cathédrale.

— Il est partout falsifié, n’est-ce pas ?

— Oui, il se débite dans le commerce sous trois formes : l’encens mâle, le meilleur, s’il n’est pas adultéré ; l’encens femelle qui est déjà plein de fragments rougeâtres, de grumeaux secs appelés marrons ; enfin, l’encens en poudre qui n’est, la plupart du temps, qu’un mélange de mauvaise gomme et de benjoin.

— Et celui que vous avez là ?

— C’est de l’encens mâle ; voyez ces larmes oblongues, ces gouttes presque transparentes d’ambre qui se décolore ; quelle différence avec celui-ci que l’on consume à Notre-Dame ! Il est terreux, brisé, rempli d’égrugeures et il y a gros à parier que ces marrons sont des cristaux de carbonate de chaux et non des perles de résine pure.

— Tiens, fit Durtal, cette matière me suscite l’idée d’une symbolique des odeurs, a-t-elle jamais existé ?