Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/442

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légende ; aussi n’ai-je pas l’intention de m’en occuper spécialement.

Il y eut un silence.

Puis, brusquement, l’abbé Plomb, qui regardait son confrère, se tourna vers Durtal.

— Je partirai dans huit jours pour Solesmes et j’ai assuré au Révérendissime Père Abbé que je vous amènerais avec moi.

Et voyant Durtal interdit, l’abbé sourit.

— Oh mais, fit-il, je ne vous y laisserai point, à moins que vous ne vouliez plus revenir à Chartres ; c’est une simple visite que je vous propose, le temps de humer l’atmosphère du cloître, de vous aboucher avec les Bénédictins, de tâter un peu de leur vie…

Durtal se taisait, effaré, car cette offre bien simple pourtant d’aller vivre quelques jours dans un cloître venait de faire jaillir subitement en lui cette idée baroque, étrange, que s’il acceptait, il jouait son va-tout, risquait un pas décisif en avant, prenait envers Dieu une sorte d’engagement de se fixer, de finir ses jours auprès de lui.

Et ce qui était curieux, c’est que cette pensée, si impérieuse et si envahissante qu’elle excluait toute réflexion, le privait de ses moyens habituels de défense, le mettait, désarmé, à la merci d’il ne savait quoi, cette pensée que rien ne justifiait, ne s’arrêtait pas, ne se précisait point sur Solesmes ; le lieu où il se retirerait, lui importait peu pour l’instant ; la question n’était pas là ; le point de savoir si oui ou non, il allait céder à d’obscures impulsions, obéir à des ordres informulés et pourtant certains, donner des arrhes à Dieu qui paraissait