Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/458

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de la Beauce, aucune statue dont l’art soit aussi incisif et aussi formel. A un autre point de vue, au point de vue de l’ensemble du tableau et de l’envergure du sujet, le pèsement des âmes de Notre-Dame de Chartres est aussi très au-dessous de la psychostasie de la cathédrale de Bourges.

Je crois bien d’ailleurs que celle-là est la plus extraordinaire de toutes, se dit Durtal. Ni les scènes similaires de Reims et de Paris avec leurs troupes de pécheurs enveloppés dans une chaîne que tirent des démons, ni les épisodes analogues d’Amiens n’ont cet empan.

A Bourges, de même que dans toutes les œuvres semblables du Moyen Age, les trépassés s’échappent de leurs tombes et, au bandeau supérieur, sous un Christ que conjurent la Vierge et saint Jean, saint Michel les pèse ; à sa gauche, les démons entraînent les uns et, à sa droite, les anges emmènent les autres.

La Résurrection des morts, telle que l’imagier du Berry la sculpta, est à faire hennir la bruyante pudeur des catholiques, car les figures sont nues et certaines réticences consenties d’habitude cependant pour le corps féminin, sont omises. Hommes, femmes, soulèvent la pierre du sépulcre, enjambent le rebord des bières, bondissent, culbutent, les uns par-dessus les autres ; ceux-ci, joignant, extasiés, les mains et priant, les yeux au ciel ; ceux-là, inquiets, regardant de tous les côtés ; d’autres, braillant d’épouvante et tendant les bras ; d’autres encore, prenant des poses éplorées, se frappant la poitrine, geignant pour leur défense ; d’autres enfin, éblouis par ce passage de l’ombre à la lumière, secouant leurs membres gourds, cherchent à se mouvoir.