Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

droite. Ses yeux se fermaient et se rouvraient, suivant que la musique qu’elle rabotait devait toucher les âmes ou les égayer. De loin, de la place où Désirée et Auguste étaient assis, sa bouche, grande ouverte, quand elle hurlait le dernier vers du refrain, béait comme un trou noir.

Pendant un instant, quand la musique joua seule la ritournelle, elle toussota, montrant un profil qu’on ne soupçonnait pas lorsqu’elle était de face, guigna de l’œil le ménétrier en chef, regarda ses gants à huit boutons dont les pointes étaient roidies par l’empois des sueurs, puis elle se pencha sur l’orchestre, et, gueulant de toute sa voix, elle se secouait les bras, et une sorte de fumée noire flottait dans le ravin entrevu sous son aisselle.

La salle entière délira, des acclamations forcenées coururent, et, s’inclinant, souriant, envoyant des baisers, elle faisait onduler par le remuement de sa hanche sa robe dont la soie du bas luisait plus éclatante et comme plus neuve que celle du corsage moins crûment frappée par les feux de la rampe.

Elle versa sa dernière note. Les bocks scandèrent sur le bois des planchettes, la charge sonnée furieusement fit voir ses deux pis réunis