Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/156

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geoisisme lui semblait odieux par-dessus tout. Il raffolait de la tournure des filles du peuple, de leurs airs canailles et provocants, de leurs gestes mettant à nu des plaques de chairs, sous le caraco, alors qu’elles lapaient du vin ou mangeaient de caresses la face ribotée de leurs hommes. Il raffolait plus encore des dépravations des ravageuses de haute lice ; leurs senteurs énergiques, leurs toilettes tourmentées, leurs yeux fous, le ravissaient. Son idéal allait même jusqu’à l’extravagance. Il souhaitait de faire du navrement un repoussoir aux joies. Il aurait voulu étreindre une femme accoutrée en saltimbanque riche, l’hiver, par un ciel gris et jaune, un ciel qui va laisser tomber sa neige, dans une chambre tendue d’étoffes du Japon, pendant qu’un famélique quelconque viderait un orgue de barbarie des valses attristantes dont son ventre est plein. Son art se ressentait forcément de ces tendances. Il dessinait avec une allure étonnante les postures incendiaires, les somnolences accablées des filles à l’affût et, dans son œuvre brossée à grands coups, éclaboussée d’huile, sabrée de coups de pastel, enlevée souvent d’abord comme une eau-forte, puis reprise sur l’épreuve, il arrivait avec des fonds d’aquarelle, balafrés de martelages furieux de couleurs, s’invitant, se cédant le pas ou se fondant, à une