Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/160

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ne peindre que les dessertes des tables, le vice à bon marché.

Le champ était large encore, et il le défrichait à mesure. Puis il eut, le lendemain de sa prise en possession de Céline, une joie ; il découvrit que, lorsqu’elle était rendue de fatigue et dormassait sur le divan, elle prenait des allures de haute grue qui se pâme. Elle devenait extraordinairement tentante avec la dégringolade de ses cheveux paille sur un coussin, sa croupe tordue, une jambe jetée en l’air et l’autre pendante sur le bas du meuble. Il mit alors à exécution l’un de ses projets. Il déambula au travers du temple et des boutiques de marchandes à la toilette et il acheta un lot de bas de soie. Il revint chez lui, très enthousiasmé, et examina son emplette à la lumière. Il y en avait de toutes les couleurs et de toutes les nuances, des simples et des brodés, des bas qui avaient dû valoir, étant neufs, les uns de vingt à trente francs, les autres de trente-cinq à soixante francs. Cinquante centimes de nettoyage chez le teinturier et il en serait quitte. Céline arriva sur ces entrefaites et poussa des cris de merluche à la vue de ce déballage. L’autre les tendait, les retournait, les faisait papilloter aux bougies qui griffaient d’éclairs leur indigo foncé brodé de rouge-sang, leur turquoise rayée de gris, leurs damiers cramoisis et soufre, leur maïs, leur