Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/201

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sirée ; elle se serrait plus étroitement contre Auguste, et, la tête appuyée sur son épaule, elle marchait doucement et, comme toutes les amoureuses au clair de lune, elle levait, sans savoir pourquoi, le nez en l’air, admirait les étoiles, puis un peu penchée, pressant à petites secousses le bras de son homme, elle le pinçait du bout de l’ongle pour qu’il la regardât et la vît sourire. Mais l’heure du départ approchait et ils restaient là, l’un devant l’autre, silencieux et ne se quittant point. À la fin elle murmurait, en rattachant les brides de sa capuche : « Je m’en vas, » et ils s’embrassaient longuement, soupiraient, se donnaient rendez-vous, pour le lendemain, à l’atelier. Alors elle détalait comme une rate, le long des murs, se retournait au coin de la rue pour revoir Auguste, et lui, après quelques minutes, regagnait, tout en mâchonnant une cigarette qu’il ne fumait point, son logis de la rue du Champ-d’Asile.

Leurs réunions se renouvelèrent, mais ces quelques minutes, conquises à grand’peine, ne les contentaient plus. Ils étaient devenus aussi affamés l’un de l’autre que jadis, lorsqu’ils se voyaient dans la journée seulement, près de la presse à eau ou derrière des barricades de papier et de livres. Ils aspiraient à passer maintenant à eux deux toute une soirée, dîner à la même table,