Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/203

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couple cessaient à peine de vibrer qu’ils renaissaient chez l’autre, comme si, bondissant sur une raquette, ils avaient volé, au travers de la chaussée, sur le trottoir, en face.

Il advint, par exemple, qu’après s’être embrassé et s’être répété mille fois qu’on s’adorait, personne ne trouvait plus rien à dire. C’est alors que les femmes commençaient à s’examiner du coin de l’œil.

Un soir, les hommes firent connaissance. Tous deux s’impatientaient après leurs belles qui ne venaient point ; Auguste n’avait pas d’allumettes et l’autre fumait ; ils se mirent à causer pour tuer le temps. Auguste pensa que le camarade était un gentil garçon. C’était un tout jeune homme, gringalet et maigre, l’air maladif et triste. Il lui raconta qu’il adorait sa cousine, qu’il devait rejoindre sous peu de jours son régiment, qu’ils se voyaient pour les dernières fois. Il lui dit aussi qu’il exerçait l’état de peintre sur porcelaine, qu’il travaillait à ses pièces, gagnait huit francs, et il ajouta tristement qu’après cinq années de garnison, il serait sans nul doute incapable de reprendre son ancien métier. Auguste en savait quelque chose. — Leur conversation fut interrompue par l’arrivée des femmes qui débouchèrent en même temps de la rue du château. À la vue des deux hommes qui causaient, elles