Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/212

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ou de l’obélisque, à dix-huit francs la pièce ; gloussait devant des chromo-lithographies en cadre, exprimait le désir de voir à la cravate de son homme une épingle comme celles qu’elle admirait, une tête de chien ou un timbre-poste en émail, montés sur une aiguille d’or.

Tout bien considéré, elle était moins sotte sur les boulevards extérieurs. Comme il n’y avait rien à voir, cela la dispensait de faire des observations. Mais, bien que souvent elle gardât le silence, tout chez elle l’irrita, depuis les cassis à l’eau qu’elle buvait, en s’essuyant la bouche avec sa langue, jusqu’aux bouffées de cigarette qu’elle implorait pour les souffler dans une pipe en sucre rouge, tout, jusqu’à sa manière de se pommader les cheveux, de remuer ses pendeloques de faux corail, de mettre en évidence une bague d’argent qu’elle portait au doigt.

Il prétexta des travaux pressés et se dispensa de la sortir. Alors Céline s’embêta formidablement. Ce qui la vexait peut-être le plus dans la manière d’agir de Cyprien, c’était le dédain bienveillant qu’il avait pour elle. Il la traitait comme un enfant à qui l’on met entre les mains un chiffon, une gravure, un jouet, pour le faire tenir en place. Quand elle avait fini de remuer un carton, il l’enlevait, lui en mettait un autre sous les yeux et, accablée, elle feuilletait,