Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/226

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certain moment, et forcément elle se rappela le mot que Céline lui avait dit un soir : Les hommes sont bêtes ; s’ils savaient, on serait perdue avant qu’ils croient que c’est possible. Dans tous les cas, maintenant que sa raison lui était revenue, elle se promit bien de ne plus s’exposer ainsi, de ne plus accepter de réunion que dans la rue ou dans les salles communes des marchands de vins.

Leurs relations devinrent gênées après cette tentative. Auguste n’osait plus la serrer de près et elle se tenait sur la réserve. — Un soir pourtant, ils purent passer une soirée complète ensemble. Vatard avait eu un billet de théâtre pour le Château-d’Eau et il ne rentrerait certainement pas avant minuit. Ils se dirigèrent vers le quartier de la Gaîté, mais cette joie qu’ils avaient espérée depuis si longtemps qu’ils en étaient privés, leur sembla morte. Ne sachant à quoi s’occuper, ils montèrent chez Gagny, au bal des Mille-Colonnes. La foule qui coulait dans le boyau réservé aux danses leur parut maussade.

Un quadrille d’Hervé commençait, une musique au poivre rouge, propre à vous faire pirater des femmes, une musique au salpêtre qui évoquait des roulis, des déhanchements, des jupons jetés par-dessus la tête, des jambes cabriolantes et piquant le ciel !