Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/227

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Les danseurs marchaient et tournaient d’un air ennuyé. En vain, quand les trilles des flûtes pirouettaient sur le chahut des cuivres, quand la caisse plaquait ses surjets de vacarme sur le tintamarre grandissant de l’orchestre, Auguste attendait un tourbillon de bras coupant l’air et tirebouchonnant le long des cuisses, des bustes jetés en avant, des pieds battant du beurre, patinant sur les planches, s’allongeant et retroussant le nez des danseuses. Les couples se tordaient à peine, se dégingandaient mollement, se défendaient de suer.

La galerie attablée sur les côtés et en haut de la salle semblait également navrée. Des familles entières se regardaient avec des airs dolents, buvaient sans enthousiasme, ne retrouvaient un peu de vie que pour calotter des moutards qui dansaient en rond et tombaient, les pieds en l’air, au milieu des couples.

Tout ce monde semblait engourdi ; on eût dit des gens ivres qui avaient le vin triste. Dans un coin, un municipal somnolait, debout sous son casque, et l’homme chargé de percevoir, annonçait d’une voix désolée les danses. Auguste et Désirée allèrent s’asseoir à une table et ils commandèrent un saladier. L’eau qu’on leur versa sur le sucre était trouble et le vin piquait. Ils n’eurent pas le courage de secouer leur mal-être