Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/242

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sont couleur de boue, où les vitres buent, où les souliers s’enlisent dans la fange grasse, se succédèrent sans alternances d’horizons clairs. L’heure venue, Désirée, les jambes recroquevillées devant la grille de coke, s’engourdissait, sentant ses paupières s’alourdir, se disait : il faut partir, — se donnait cinq minutes de répit, restait. — Elle se reprochait sa paresse, se trouvait lâche, s’apitoyait sur le sort d’Auguste qui n’hésitait pas à barboter, dans la pluie, pour elle, et, à la fin, elle sautait sur ses pieds, se secouait, mettait sa capuche, filait rapidement jusqu’à la boutique du marchand de vins.

Puis ces jours de malaise, ces jours où la femme devient irritable et déplore les rappels de son sexe, la laissèrent sans force. Ces jours-là, elle se débattait, gémissant : je ne suis pas en train, je suis fatiguée, si je n’y allais pas, je lui dirai demain que j’ai été malade, — et elle se mirait dans la glace, se trouvait les yeux cernés, le teint blême, aspirait à se mettre au lit, s’essayait à tousser et se croyait perdue. Elle se disait : Allons voyons, un peu de courage ! Et elle espérait un coup de sonnette, une visite quelconque qui justifierait sa fainéantise, qui lui permettrait de croire qu’elle n’avait pu faire autrement que de rester chez elle. — Personne ne venait, alors elle se résolvait à ouvrir la porte,