Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/255

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en la quittant sans lui avoir laissé la satisfaction de partir la première, lui apparaissait maintenant comme un beau luron, comme un joyeux compère. Les rigolades à la bonne franquette qu’ils s’étaient données, l’enchantaient, avec leur douceur ranimée d’une souvenance lointaine ; les brutalités dont il les salait parfois ne la répugnaient déjà plus ; elle les excusait comme les inévitables suites d’une passion sincère. Il l’avait exténuée par ses violences, et par ses rapines, mais, somme toute, il valait mieux que Cyprien. Avec lui, au moins, on riait, on disait zut ! quand on voulait ; on sautait dans la rue, on rossignolait, on cancanait, on lichotait, il n’y avait ni tenue ni gêne. Et puis, après tout, elle n’avait guère gagné au change. Cyprien ne lui donnait pas de quoi s’entretenir ; l’autre, il est vrai, la pillait, mais enfin, coûte que coûte, pour accepter cette vie de déboire encore aurait-il fallu des compensations ! De l’argent ? pas. — Des joies à en bâiller comme avec Anatole ? pas. — Des caresses, des câlineries, des attentions même ? Pas davantage ! Ah ! Anatole pouvait la poursuivre maintenant le soir, elle n’aurait certes plus réclamé l’assistance du peintre !

Elle arrivait peu à peu à ce point où l’on souhaite, tout en ne possédant pas encore les moyens matériels de le faire, de tromper l’homme