Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Après s’être un peu défendue pour le principe, l’enfant tendit sa main et alors, dans un engloutissement de marrons grillés, dans une versée de vin blanc, ils échangèrent le retentissant baiser des fiançailles.

Il eut, quand il partit, un poids énorme de moins sur la poitrine. Il n’y avait plus à se dédire cette fois, ça y était. Sa mère, qui connaissait Irma depuis sa naissance, poussa des cris de joie lorsqu’elle apprit cette bonne nouvelle. Auguste s’étonna presque de n’avoir pas épousé cette fille-là plus tôt et ses amours avec Désirée lui semblèrent, à ce moment, enfantins et vides.

Le lendemain, quand il entra dans l’atelier, il y avait le brouhaha des jours où l’on brasse des comptes : une femme, debout, un peu penchée, les mains sur la table, proposait de mettre, près du bureau du patron, une petite sébile où chaque ouvrière déposerait une pièce blanche ou des sous, afin de venir en aide au frère de l’une d’elles qui était tombé d’un échafaudage et s’était démis le bras. — Toutes les brocheuses acceptèrent. — Ni Désirée ni Céline n’étaient présentes. — La contre-maître inscrivait sur un grand livre le travail des filles. — Les hommes aplatis, sur les tables de l’assemblage, s’absorbaient dans leurs chiffres ; maman Teston, très émue et très pâle, lança : J’arrive de chez Vatard, la pauvre chère