Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/305

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lui répétait : « Mais verse-moi donc à boire ! dépêchons-nous, pour être bien placés ! » Une nouvelle embellie d’amour semblait s’annoncer. Cyprien avait perdu toute défiance. — À mesure que le repas touchait à sa fin, Céline devenait plus expansive, plus douce. Elle chantonnait, en mesurant la poudre du café, essuyait le filtre, et, accroupie devant le poêle qui bourdonnait, elle souriait à son amant, attendant que l’eau fût chaude pour la verser. Cyprien se sentait des joyeusetés de merle. Les jambes étendues, les reins douillettement posés sur le velours, il avait allumé sa pipe et, soufflant des tourbillons, il admirait le coquet affaissement de Céline dont le corps émergeait comme d’une mare satinée, de ses jupes épandues sur le parquet. — Elle se releva et, avec de jolies mines peureuses, elle s’enveloppa la main d’un mouchoir afin de prendre, sans se brûler, l’anse de la cafetière et elle versa, de haut, dans les tasses. Elle s’était rassise et, en face l’un de l’autre, ils sirotaient doucement, attendant qu’il fût l’heure de quitter leur chambre. Il lui donnait le carafon de cognac, elle lui approchait le sucrier, ils se remerciaient avec des yeux tendres, se prêtaient leurs cigarettes, batifolaient, le cœur à l’aise, souriaient avec des élans qu’ils croyaient perdus.

Cyprien eût de beaucoup préféré rester là, les