Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/321

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— Travaillez donc ! C’est vrai, on ne fait plus rien. Sous prétexte qu’ils boivent à la santé d’Auguste, voilà huit jours que les hommes et les femmes ribotent ! Eh bien, puisqu’il est marié, à quoi que ça sert maintenant ! Sans compter que je suis certaine qu’ils ont fait une gibelotte de Moumout ; voilà longtemps qu’on ne l’a pas vu et je n’ai pas les yeux dans ma poche ; il y a des gens ici, qui ont les mains pleines de coups de griffes.

Des roulements de plioirs battant les tables, l’interrompirent. — La voilà ! cria la bande, et Désirée, toute guillerette, fit son entrée.

La contre-maître ramassa son panier et le plaça sur la table devant la petite qui devint rouge, se recula un peu, joignit les mains, se jeta dans les bras de la contre-maître qu’elle embrassa à l’étouffer.

— Oh ! je suis bien contente, oh oui, reprit-elle, toute suffoquée. Oh ! comme c’est beau ! et, avec respect, elle fouillait dans la manne, en tirait délicatement les raviers, ouvrait le pot à soupe, en extrayait la salière qu’elle tenait par la tige et remuait, joyeuse, en l’air. Ah ! un moutardier ! Et le moutardier faisait le tour des femmes ; on examinait l’encoche, pratiquée sur le bord pour laisser entrer la petite cuiller ; on s’extasiait devant l’élégance du couvercle fleuri d’un délicat bouton pour qu’on pût le prendre.