Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/40

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rideaux avaient été tirés, Désirée avait mis un vieil essuie-main sous la porte pour empêcher les vents coulis, un grand bien-être, une tiédeur de somnolence les envahissaient. Désirée prépara du vin chaud dans une casserole et Vatard, très heureux de penser qu’il ne serait pas contraint comme les Teston à se lever et à courir les rues jusqu’à son domicile, regardait avec une visible satisfaction son ami dont le drap et les bottes fumaient dans une buée puante.

L’on ne disait mot. Vatard s’épanouissant dans son allégresse, la mère Teston songeant à son bonnet perdu, son mari à l’humeur massacrante de sa femme, Céline à son amoureux, sa mère à rien du tout, Désirée au vin qu’elle avait trop sucré.

Puis les langues se délièrent. — Les hommes causèrent entre eux, les femmes parlèrent entre elles de leurs camarades de l’atelier.

Madame Teston affectait un ravissement sans fin, en apprenant que Désirée ne serait plus payée aux pièces, mais bien aux heures ; elle insinuait seulement que, si elle avait été plus maligne, elle aurait pu obtenir 30 centimes au lieu de 25 centimes 1/2. Elle fit tant que la petite, qui était enchantée de son succès, convint qu’elle avait peut-être été bête et finit par ne plus se réjouir du tout de l’augmentation qu’elle avait acquise.