Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’arrangeaient de façon à se faire enjôler par lui ; — seulement, les femmes raisonnables, les filles qui avaient du cœur, ne se laissaient séduire qu’une seule fois, certaines d’être quittées, au bout de huit jours si elles étaient jolies, au bout de quatre si elles étaient laides. Céline manqua d’expérience quand elle le connut. Elle ne pouvait croire d’ailleurs qu’un homme lâchât ainsi une fille qui s’était donnée à lui. Elle le crut, le jour seulement où Eugène disparut du quartier et s’en fut boire, à la régalade, le cognac et l’amour d’une charbonnière.

Céline demeura triste. Elle songea bien à se jeter dans la Seine, mais elle se fit cette réflexion qu’elle souffrait déjà pour ce monstre d’homme et qu’il était bien inutile de souffrir davantage, en s’offrant une agonie d’eau douce. Le cœur gros et les yeux pleins, elle geignit longuement, puis elle dîna chez une camarade et s’offrit une telle indigestion de beignets que, ne pouvant arrêter le bal de son estomac, elle l’accompagna, en musique, de hoquets et de points d’orgue. Mal disposée comme elle était, depuis une semaine qu’elle mangeait sans appétit et buvait trop sans soif, elle fut atrocement malade, la poitrine défoncée, renversant tout ce qu’elle avalait. Quand son cœur eut terminé ses gambades et que tout fut bien remis en place, le