Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/87

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Elles voulurent partir, et, marchant à la queue leu-leu, se tenant par leurs jupes pour ne pas se perdre, elles foncèrent, tête baissée, dans la multitude. Le temps s’assombrissait, un éclair fêla la muraille des nuées, quelques gouttes tombèrent. Ils durent se réfugier au plus vite dans une boutique où l’on exhibait les travaux des bagnes. Une machine à vapeur jouait des pistons à la porte et scandait à coups de sifflets l’assourdissant charivari d’un orgue. — C’était un joli travail. — Des forçats vêtus de rouge et culottés d’orange travaillaient, recevaient des fessées des gardes-chiourmes, dormaient, mangeaient, marchaient à la guillotine. — Le cornac expliquait les différents tableaux ; il racontait que les poupées, coiffées de bonnets verts, étaient des condamnés à perpétuité, que celles qui avaient une manche orange, comme leur pantalon, étaient des révoltés qu’on avait punis ; il ajoutait enfin que les bonnets rouges pourraient, après leur libération, retourner dans leurs familles. Il fit ensuite une quête qui ne lui rapporta rien et il invita les personnes désireuses de s’instruire à passer, moyennant dix centimes en plus, dans le cabinet réservé.

Pendant qu’on y est, fit observer Céline, autant tout voir, et ils entrèrent très alléchés et sortirent furieux. — C’était un vol ! — Il n’y avait