Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/91

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ajouta d’un ton très décidé : pour le bon motif.

Auguste ne fut pas très satisfait, et il fut troublé quand, le regardant en face, elle ajouta : — Mais vous, vous n’avez donc pas de petite camarade, que vous venez seul à la foire ?

Il voulut se faire valoir, disant qu’il ne pourrait aimer qu’une fille honnête et gentille, et non une de ces soussouilles comme les ouvriers en ont souvent. Malheureusement, la conversation fut interrompue. Une place était libre dans l’intérieur du tramway. Désirée fut s’y asseoir. Il resta seul.

Il se dit qu’elle était très franche et qu’elle ne semblait pas fille à se laisser enjôler par le premier venu ; puis un monsieur lui fit perdre le fil de ses idées, en lui quêtant du feu, et il contempla les rues qui fuyaient derrière lui. La voiture courait sur le boulevard de l’Hôpital. — Une femme, assise sur les marches de l’escalier, avait des transes, à chaque coup de corne ; dans l’intérieur, tout le monde remuait des rouleaux et des paquets de pain d’épice et les galopins voisinaient se montrant leurs joujoux. Une fillette avait gagné un verre, grand comme un litre, une autre des coquetiers bleus, une troisième enfin une poule de porcelaine en train de pondre. Un homme prétendait que tout cela, c’étaient des voleries, qu’on n’en gagnait jamais pour son argent ; d’autres étaient plus justes, prétendant qu’il fallait que tous