Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/71

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Elle, de son côté, n’était guère plus satisfaite. Elle le trouvait froid, plus occupé de son art que d’elle-même ; elle se révoltait contre ses silences ou ses bouderies. Ils s’accusaient mutuellement d’ingratitude. Léo s’imaginait avoir fait un grand sacrifice en associant Marthe à sa vie, elle, était convaincue qu’elle se dévouait pour lui. Elle faisait tout, récurait les meubles, lavait le plancher et la vaisselle, blanchissait son linge, ne voyait plus ses anciennes camarades, qu’il avait mises poliment dehors, et, en échange de tout cela, elle avait la misère ! Elle ne pouvait seulement pas s’acheter une robe !

Au reste, elle se lassa vite du travail de chaque jour, le ménage fut balayé à la diable, le repas préparé à toute volée ; elle faisait monter d’une gargote des parts de lapin, des tranches de gigot cuit au four. Léo se plaignit.

— Et de l’argen, disait-elle ?

Et quand il répliquait qu’il était moins cher de faire cuire la viande chez soi que de l’aller chercher, toute prête, au dehors, elle gémissait, se disait exténuée, ne demandant qu’à dormir. Elle ne desservait même pas la table, se déshabillait avec des gestes d’épuisement, s’étendait dans le lit,