Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/53

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cablante ! Jamais, en effet, l’équilibre du monde ne fut plus près de se rompre ; et il semble aussi que jamais Dieu ne fut plus attentif à surveiller la balance des vertus et des vices, et à entasser, quand le plateau des iniquités descendait, comme contre-poids, des tortures de saintes !

Cette loi d’un équilibre à garder entre le Bien et le Mal, elle est singulièrement mystérieuse, quand on y songe ; car, en l’établissant, le Tout-Puissant paraît avoir voulu fixer lui-même des bornes et mettre des freins à sa Toute-Puissance. Pour que cette règle s’observe, il faut, en effet, que Jésus fasse appel au concours de l’homme et que celui-ci ne se refuse pas à le prêter. Afin de réparer les forfaits des uns, il réclame les mortifications et les prières des autres ; et c’est là qu’est vraiment la gloire de la pauvre humanité ; jamais Dieu, si respectueux de la liberté de ses enfants que l’on peut compter ceux qu’il priva du pouvoir de Lui résister, jamais Dieu ne fut leurré. Toujours il a trouvé, à travers les âges, des saints qui ont consenti à payer, par des douleurs, la rançon des péchés et des fautes.

Et cette générosité s’explique maintenant pour nous, à peine. En sus de notre nature même qui répugne à la souffrance, il y a encore le Maudit qui intervient pour la détourner du sacrifice, le Maudit auquel son Maître a concédé, dans la triste partie qui se joue, ici-bas, les deux plus formidables atouts, l’argent et la chair. Et ce qu’il abuse, celui-là, de la lâcheté de l’homme qui sait bien pourtant que la