Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/265

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nous, notre culte, notre langue, nos vertus et jusqu’à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui devront demeurer jusqu’à la fin.

« Autour de nous des étrangers sont venus, qu’il nous plaît d’appeler des barbares ; ils ont pris presque tout le pouvoir ; ils ont acquis presque tout l’argent ; mais au pays de Québec rien n’a changé. Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées, nous n’avons compris clairement que ce devoir-là : persister… nous maintenir… Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne vers nous et dise : Ces gens sont d’une race qui ne sait pas mourir… Nous sommes un témoignage.

« C’est pourquoi il faut rester dans la province où nos pères sont restés, et vivre comme ils ont vécu, pour obéir au commandement inexprimé qui s’est formé dans leurs cœurs, qui a passé dans les nôtres et que nous devrons transmettre à notre tour à de nombreux enfants : Au pays de Québec rien ne doit mourir et rien ne doit changer… »

L’immense nappe grise qui cachait le ciel s’était faite plus opaque et plus épaisse, et soudain la pluie recommença à tomber, approchant encore un peu l’époque bénie de la terre nue et des rivières délivrées. Samuel Chapde-