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D’IBN KHALDOUN.


est plongée dans l’Océan, sur lequel elle semble flotter comme un grain de raisin sur l’eau, et que la mer s’est retirée de quelques côtés de la terre, parce que Dieu voulait former des animaux qui devaient vivre sur le sol laissé à découvert, et y mettre comme population la race humaine, pour lui servir de lieutenant à l’égard des autres animaux. D’après cela, quelques personnes ont pensé, mais à tort, que l’eau était placée sous la terre. Le véritable dessous de la terre c’est le point central de sa sphère, vers lequel tout se dirige par suite de sa pesanteur. Les autres côtés de la terre, avec la mer qui les entoure, forment le dessus. Donc si l’on dit, en parlant d’une portion de la (terre), qu’elle est placée en dessous, cela veut dire que cette portion l’est ainsi par rapport à une autre (partie du monde)[1].

La partie de la terre que l’eau a laissée à découvert occupe la moitié de la surface du globe. Cette partie, qui est d’une forme P. 74.circulaire, est entourée de tous les côtés par l’élément humide, c’est-à-dire par une mer que l’on nomme l’Environnante. On la désigne aussi par le mot Leblaïa[2], dont le second / se prononce d’une manière emphatique. On l’appelle aussi Okîanos (Ὠκεανός), qui est un mot étranger, ainsi que le précédent. Enfin on la nomme mer Verte, ou mer Noire. La terre, laissée à découvert pour servir d’habitation, renferme des lieux déserts, et la portion inhabitée est plus grande que celle où se trouvent des populations. Ces déserts sont plus nombreux au midi qu’au nord. La région habitée s’étend davantage vers le nord et offre la forme d’une surface convexe. Du côté du midi, elle touche à l’équateur, et du côté du nord à un cercle de la sphère, au delà duquel se trouvent les montagnes qui la séparent de l’élément humide et au mi-
  1. Le manuscrit D porte ابه تحت الارضر ; l’édition de Boulac offre la même leçon, et remplace عنه par منه, ce qui confirme notre traduction.
  2. Pour البلاية, il faut lire, avec les manuscrits et l’édition de Boulac, لـبلاية. Ce mot est peut-être une altération de πέλαγος, ou bien il représente لتلانت, l’Atlantique. Ce dernier mot étant changé en لتلانة, puis ponctué d’une manière inexacte, aura produit le mot Leblaïa. El-Bekri, dans sa Description de l’Afrique septentrionale, page 249, donne au mont Atlas le nom de اذلنت, Adlant : le nom d’Atlas était donc connu des Arabes.