Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/21

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avait cessé de plaire, au profit de l’amant dont le règne commençait.

En Norvège, il n’en était pas ainsi.

Les doctrines nouvelles, ces doctrines qui embrasaient tant de prosélytes n’avaient rien que de cérébral. Le fanatisme puritain connut à leur abri un regain de triomphe. Ibsen, qui avait combattu l’hypocrisie de la loi, vit se dresser derrière son œuvre l’hypocrisie de l’austérité. Dans les rues des cités, à la porte des cafés et des maisons suspectes, la vertu se faisait délatrice et, farouche policière, s’immisçait dans l’intimité des citoyens avec un zèle inquisitorial. Un jour même vint, où la tyrannie fut si forte que les écrivains du Nord sentirent la nécessité d’en secouer le joug. Ce jour-là, Ibsen avait à son insu frayé la route à Strindberg, à Bang et aux hommes de la jeune génération.

Cette brève esquisse nous ramène à préciser ce qu’étaient les doctrines d’Ibsen à l’époque où il donna Une Maison de Poupée. Elles se précisaient dès lors sous leur forme à peu près définitive.

« Nora, a écrit M. Ehrhard, est l’interprète exacte des théories matrimoniales d’Ibsen. Elle résume et condense les idées que le poète émettait déjà dans la Comédie de l’Amour, qu’il émettra encore dans ses œuvres les plus récentes ».

Ces idées peuvent s’énoncer ainsi : L’union conjugale qui n’est point fondée sur le choix responsable et libre de deux êtres qui s’aiment, parce qu’ils se connaissent, est le fruit d’un mensonge initial qui corrompt les vies des deux époux et arrive à briser leur bonheur.

Poussant le tableau au summum de sa logique dramatique, Ibsen devait être amené à jeter Nora dans la révolte suprême. Il fallait au développement complet