Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/29

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Ils emplissaient toute une partie de la salle et jamais on ne vit sectaires plus intransigeants et plus farouches. Quand on faisait mine de ne pas applaudir et si l’on avait le malheur de bâiller, c’était des cris féroces : À la porte les mufles » !

Le croquis est spirituel et rappelle, autant que du Francisque Sarcey peut y être comparé, la page que Théophile Gautier dans son Histoire du Romantisme a consacrée à la première représentation d’Hernani.

L’enthousiasme de la jeunesse de 1890, — que ces temps sont loin de nous — est du même aloi que celui de la jeunesse de 1830. Alors aussi, ceux mêmes qui avaient entendu vieil as de pique au lieu de vieillard stupide étaient prêts à verser leur sang pour la beauté de cette épithète.

Parmi eux, on se faisait une fête de voir Une Maison de Poupée au théâtre.

La pièce fut jouée d’abord dans un salon, chez madame Aubernon de Nerville : puis, un jour, on apprit que la Nora désirée, comme l’appelait Maurice Bigeon, était enfin découverte.

Après miss Janet Achurch, Marie Fraser, madame Niemann-Raabe, Réjane était séduite par les côtés ondoyants et divers du rôle de Nora et, en avril 1894, elle interprétait ce que la grande presse qualifiait « cette œuvre étrange et superbe ».

« Je ne saurais trop vous engager à aller voir de quelle façon madame Réjane joue le rôle de Nora, écrivait le critique du Journal. Artiste acclamée depuis longtemps à chacune de ses créations, je ne crois pas que madame Réjane se soit jamais élevée aussi haut que dans la composition de ce personnage. Tout ce que l’art du comédien servi par une intelligence subtile peut réaliser dans l’expression d’une œuvre