Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/54

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Madame Linde.

Parce qu’une femme mariée ne peut pas emprunter sans l’autorisation de son mari.

Nora, en secouant la tête.

Oh ! quand il s’agit d’une femme un peu pratique… d’une femme qui sait se retourner adroitement.

Madame Linde.

Nora, j’ai beau me creuser la tête, je ne devine pas.

Nora.

Tu n’as pas besoin de te creuser la tête. Je n’ai pas dit que j’ai emprunté cet argent. J’ai pu l’avoir autrement. (Elle se laisse tomber sur le sofa.) J’ai pu le recevoir d’un adorateur. Bah !… avec cette frimousse-là !

Madame Linde.

Quelle folle tu fais !

Nora.

Avoue que tu es terriblement intriguée.

Madame Linde.

Dis-moi, ma chère Nora, tu n’as pas agi à la légère ?

Nora, se redressant.

Est-ce une légèreté de la part d’une femme de sauver la vie de son mari ?

Madame Linde.

Ce qui me paraît une légèreté, c’est qu’à son insu…

Nora.

Et si justement il fallait qu’il ignorât tout, Mon Dieu ! Ne comprends-tu pas ? Il fallait qu’il ignore la gravité de son état. C’est à moi que les docteurs ont dit que sa vie était en danger et qu’il ne pouvait être sauvé qu’à la condition de passer un hiver dans le Midi. Crois-tu que je n’allais pas m’industrier de toutes les manières ? Je lui disais sans cesse le plaisir que j’aurais de voyager