Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/78

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saviez que mon mari était en danger m’était insupportable.

Krogstad.

Madame, évidemment vous n’avez pas une idée nette de la responsabilité que vous avez encourue. Je vous dirai seulement que l’acte qui a entraîné la perte de tout mon avenir était moins criminel que celui-là.

Nora.

Vous ? Vous voulez me faire croire que vous avez jamais été capable d’un élan pour sauver la vie de votre femme.

Krogstad.

Les lois ne tiennent pas compte des mobiles.

Nora.

Mais alors les lois sont mauvaises.

Krogstad.

Mauvaises ou non… si je porte ce papier à la justice c’est d’après elles que vous serez jugée.

Nora.

J’en doute fort. Une fille n’avait-elle pas le droit d’épargner à son vieux père moribond des inquiétudes et des soucis ? Une femme n’avait-elle pas le droit de sauver la vie de son mari ? Il se peut que je ne connaisse pas le fond des lois mais je suis certaine que quelque part on a dû y inscrire que cela est permis. Et vous qui êtes homme de lois, vous savez bien cela ? Vous me semblez bien peu malin pour un avocat, monsieur Krogstad.

Krogstad.

C’est possible. Mais les affaires comme celles que nous traitons tous deux, vous conviendrez que je les connais ? Maintenant faites ce qu’il vous plaira. La seule chose que je vous dis c’est que si je trinque une seconde fois, vous me tiendrez compagnie.

Il salue et sort.