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Page:Icy - Brassée de faits, 1926.djvu/170

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BRASSÉE DE FAITS

assurance et quand la belle Madame Hébert, la belle Jane venait dîner à la maison, cela me rendait encore plus timide et gauche que d’habitude. Il faut vous dire qu’à douze ans, j’étais grande, grande, et d’une minceur extraordinaire. D’une maigreur extraordinaire, devrais-je dire plutôt. Une vraie perche, avec des bras dont je ne savais que faire. Avec cela, mes cheveux jaunes me désolaient.

Et puis, ma figure ne se décidait pas à se former. J’avais un pauvre petit visage, sans nez presque, de gosse trop grande pour son âge et à qui sa taille démesurée donnait l’air bête. Oh ! mon enfance, ce que je me la rappellerai, ce qu’elle m’a semblé longue ! Mes camarades d’école blaguaient la maigreur de mes abatis, la gaucherie de mes gestes, de tous mes mouvements. Tenez, j’y pense ; c’est sans doute ma maigreur qui empêchait maman d’avoir l’idée de me fesser. Qu’est-ce qu’elle aurait claqué chez moi, je le demande ?

Comme je le voyais bien, que Madame Jane me regardait sans sympathie ! Habituée à vivre tout le temps avec des femmes, des jeunes filles, elle devait me trouver insignifiante et laide. Elle nous en parlait, à table, de ses ouvrières, de ses arpètes si parisiennes et, toutes si délurées, plus dessalées les unes que les autres. Elle me prenait certainement pour une gourde, en me comparant, car elle paraissait étonnée chaque fois que mes parents lui annonçaient quelqu’un de mes succès à l’école, lesquels, d’ailleurs ne lui inspiraient pas, à mon égard, le moindre changement dans ses manières.