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Page:Icy - Brassée de faits, 1926.djvu/271

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LETTRE I

Je n’oublierai jamais l’expression de volupté qui magnifiait jusqu’à l’extase sa belle face passionnée. Elle se tordait avec des clameurs de joie et des cris d’amante, la chair bouleversée. Si vive était la douleur que parfois Chary mordait à pleine bouche la laine de Boukkarah et que des larmes montaient à ses yeux révulsés. Elle parlait en grec, par mots entrecoupés :

— Je t’aime… tu es mon Dieu… je veux que tu me fouettes encore… plus fort… plus fort et que mon sang coule ! »

Je traduis exactement ses phrases recueillies sur le vif, à cause de leur force.

Se agapô eisai o théos mon… thelô na me mastigosès akoma… pio dunata pio dunata… As tréchei to aima mou ! »

Bien entendu, je ne consentais pas à de telles violences. Mais il m’est arrivé parfois de la fouetter au sang dans la fièvre du jeu. Longtemps nos rapports demeurèrent invariables. Elle venait chez moi recevoir le fouet, mais elle restait vierge. Je résistai par scrupule, peut-être par raffinement, au désir de la prendre. Le jour où, vaincu par la nature, je devins « son seigneur », quelque chose se brisa.

Fouettée et refouettée, elle devenait, comme Mathilde de la Môle pour Julien Sorel, une maîtresse aimable, docile, mais non point cette bacchante que l’on pouvait attendre. L’essentiel demeurait, à ses sens énervés, un accessoire. Le Fouet passait avant Priape. Sous les morsures de l’un, elle acceptait l’autre ; mais, des deux voluptés, elle préférait la première infiniment. Il y a là