Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/24

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France : peut-être y fut-il autant déterminé par le désir d’éloigner sa femme de celui dont le souvenir la tourmentait, plus que par tout autre motif. Les deux époux s’embarquèrent en 1776, et séjournèrent en France pendant un an à peu près.

Mistress Inchbald profita de ce séjour pour lire nos meilleurs auteurs, dont elle connaissait déjà la langue. Mais il fallut bientôt quitter la France. M. Inchbald, qui avait compté pour vivre sur le produit de son talent comme peintre de portraits, s’aperçut qu’il avait fait une fausse spéculation ; il revint à Bristol, et pendant quelques mois les époux y vécurent assaillis de mille privations : c’était au point que souvent ils supprimaient un des deux repas de la journée, et que, plus d’une fois, ils se virent contraints d’aller ramasser dans les champs quelques légumes pour ménager leurs chétives ressources, près de s’épuiser. Par bonheur ils obtinrent, sur ces entrefaites, un engagement assez avantageux pour Liverpool : ce fut là que madame Inchbald vit pour la première fois la célèbre tragédienne mistress Siddous, qui alors était aussi dans un état de fortune des plus précaires. Ces deux dames se lièrent d’une étroite amitié : elles passaient une partie des jours à faire de la musique, et le soir elles se rendaient au spectacle ensemble.

Ce fut en 1777 que madame Inchbald s’occupa de jeter le premier plan de son admirable roman Simple Histoire. Lorsqu’il parut, tout le monde crut reconnaître John Kemble, frère de miss Siddous, dans Dorriforth, principal personnage du livre. On prétendit même que madame Inchbald n’avait tracé ce personnage avec tant de vérité, de soin et de talent, que parce qu’elle aimait en secret celui qu’elle prenait pour modèle : ce qui confirmait cette opinion, c’est que Kemble, qui avait fait ses études pour entrer dans les ordres, renonça à cette carrière pour suivre celle du théâtre, afin de se rapprocher de l’amie de sa sœur. Néanmoins nous affirmerions avec conscience que jamais Kem-